02 avril 2008

Des jouets sans concurrence

Le Conseil de la concurrence, qui soupçonnait un système d'entente sur les prix dans le secteur du jouet, a infligé le 20 décembre dernier une amende de 37 millions d'euros à huit sociétés : Carrefour écope de la sanction la plus lourde (27,4 millions €), suivi des fabricants Hasbro (5,1 millions €) et Lego (1,6 million €). Dans la liste, on trouve également Chicco, Goliath et MegaBrands ainsi que Maxi Toys et JouéClub. Le Conseil les accuse d'avoir mis en place une organisation permettant de fixer le prix de jouets, bridant ainsi le jeu de la concurrence.

Le conseil de la concurrence soupçonne même la quasi-totalité des professionnels d'avoir détourné la législation en encadrant leurs pratiques commerciales, afin d'empêcher toute baisse des prix.

Au départ, il s'agissait juste d'une opération promotionnelle de Carrefour. Le distributeur promettait de rembourser au consommateur 10 fois la différence de prix d'un jouet s'il le trouvait moins cher ailleurs. Par cette technique, Carrefour demandait tout simplement au consommateur de l'aider à débusquer les magasins qui ne respectaient pas la règle du prix unique afin de les rappeler à l'ordre.

Le magazine
UFC-Que choisir accuse depuis deux ans cette industrie de biaiser le marché et a saisi le conseil. Celui-ci a décidé de transmettre ce dossier aux tribunaux de commerce qui ont jugé frauduleux les accords passés entre fabricants et distributeurs.

Pourtant, l'alignement des prix reste de mise et l'UFC-Que Choisir souligne que les promotions proposées dans les catalogues, tant des enseignes spécialisées que dans la grande distribution, sont de la poudre aux yeux. Ainsi, les prix barrés ou signalés comme intéressants dans les catalogues sont identiques à l'euro près à ceux de la concurrence voire plus élevés.60 millions de consommateurs, le mensuel de l'INC, indique de son côté que les produits à prix cassés proposés dans les brochures sont souvent introuvables dans les magasins.

Au-delà de ce verdict et des amendes infligées, c'est en réalité la réglementation actuelle en France – contrairement à d'autres pays – qui est jugée anticoncurrentielle et qui paralyse les entreprises.

Cependant, l'existence en soi d'un prix unique n'est pas contraire à la libre concurrence et cela pour plusieurs raisons. Ainsi, même si le prix affiché semble identique d'un magasin à un autre, il existe des différences dans les services accessoires offerts ou dans le prix réel appliqué. Des enseignes n'hésitent pas en effet à offrir des services de conseil ou des systèmes de paiement différents et à pratiquer des programmes de fidélisation, incluant des bons de réduction ou remises et rabais pour les clients. À l'image de Carrefour, entre autres, qui offre 25 % de réduction sur une centaine de jouets aux détenteurs de sa carte de fidélité.

Enfin, la libre concurrence est basée sur le respect des droits de propriété et des contrats dans l'économie. Il n'y a donc rien d'anormal à ce que des fabricants veuillent garder le contrôle sur les prix au détail de leurs produits. La présence de prix identiques est en fait le résultat d'une autre réglementation française. La loi Galland, qui réglemente les relations entre fournisseurs et distributeurs depuis 1996, fixe des prix « planchers » interdisant aux distributeurs, notamment les grandes surfaces, de vendre moins cher.

Elle interdit aussi la « discrimination tarifaire »c'est-à-dire que des conditions de vente différentes de la part des fournisseurs puissent faire l'objet de poursuites. C'est pourquoi les fournisseurs ont tendance à pratiquer les mêmes prix « planchers », les mêmes rabais et les mêmes conditions de vente. Pourquoi, en tant que fournisseur, concéderiez-vous des avantages et des prix plus bas à un distributeur, si les autres distributeurs peuvent exiger par la loi les mêmes conditions favorables?

De même, pourquoi, en tant que distributeur, négocieriez-vous de meilleurs prix de vente pour vos clients si n'importe lequel de vos concurrents peut obtenir les mêmes conditions favorables en invoquant une « discrimination tarifaire »?

Ainsi, c'est la réglementation et l'incertitude qu'elle crée qui empêchent en réalité la concurrence entre les différents distributeurs de négocier des prix plus bas et de meilleures offres pour les consommateurs.

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