10 novembre 2008

Le teen marketing

Les spécialistes du marketing, afin de contourner le problème de l’encombrement publicitaire, utilisent de nouvelles méthodes pour pénétrer le marché des adolescents.

Internet est un média très attrayant pour les spécialistes du marketing qui désirent cibler les enfants car il fait partie de la culture des jeunes. Selon une étude réalisée par Harris Interactive en 2003, les jeunes passaient plus de temps sur Internet avec une moyenne de 17H par semaine contre 14H pour la télévision et 12H pour la radio. Les ados se sont totalement appropriés ce média qui est devenu l'un de leurs principaux outils de communication. Le marché des internautes mineurs représente en France environ 11 millions d’individus pour un chiffre d’affaires estimé entre 30 à 40 milliard d’euros. («Protection de l’enfant et usages de l’Internet», 2005). Les entreprises créent des environnements attractifs et interactifs associés à des produits ou à des marques. Cependant, Internet procure aux adolescents un accès très rapide aux recherches et aux renseignements sur les produits, ce qui fait d’eux un public plus exigeant.

Les investissements en terme de publicité sur l’Internet ont connu un véritable boom. Les adolescents ne saisissent pas l'étendue de la sollicitation à laquelle ils sont exposés. La publicité faite sur Internet n'est pas réglementée. Lorsqu'ils surfent, des pop-up s’ouvrent automatiquement ou des bannières publicitaires apparaissent. Des jeux et des concours tentent également de les attirer. Sur leurs messageries électroniques, des spams sont également adressés.

Le marketing viral s’est développé grâce à Internet. Cette technique de promotion repose sur une logique de bouche à oreille. On parle de "buzz marketing". Les marques tentent de pénétrer le marché des adolescents grâce aux "uppers" qui créent les tendances. Internet favorise cet effet de bouche à oreille, notamment par le biais de chats et de forums qui constituent une voie de propagation idéale. Les internautes s’introduisent dans des groupes de discussion afin de recommander aux clients potentiels un produit. Les modes de propagation du marketing viral et sa vitesse sont peu maîtrisés mais l’utilisation du bouche à oreille est efficace.

La campagne «I love Hot Dog» de Quick a débuté sur internet par des mini-clips montrant des chiens rappeurs, sans marque. Les enfants se les sont transmis de boîtes e-mail en boîtes e-mail, sans savoir qu'ils se faisaient ainsi l'agent d'un géant du fast-food. La musique du clip a même fait l'objet d'un album. Puis, Quick a révélé qu'il s'agissait du nom de son nouveau sandwich.

Les entreprises participent aussi à des forums ou incitent à la création de blogs ou de sites vantant leurs produits (marketing furtif). Avec le « marketing tribal », les entreprises recherchent les groupes de jeunes consommateurs en analysant les forums et les blogs pour repérer les utilisateurs susceptibles d’être de futurs consommateurs. Ces techniques sont en particulier utilisées par les grandes marques de vêtements ou d’articles de sport.

Le recours à des technologies sophistiquées facilite la collecte de renseignements personnels sur les jeunes et permet de les cibler individuellement par le biais de messages personnalisés. Des outils permettent de tracer les jeunes internautes (cookies, spyware, bannières…) ou de les inciter à fournir des données personnelles, précieuses ensuite pour le profilage.

Les marques utilisent également le "street marketing" qui s'appuie sur l'affichage, sur la distribution de tracts ou d'échantillons et qui joue sur la proximité. La création d'événements et d'opérations spéciales est aussi un phénomène qui prend de l'ampleur. Cependant, les adolescents sont de moins en moins sensibles aux discours commerciaux qui idéalisent la marque.

Les adolescents, une cible volatile et difficile à capter

Ce sont les adolescents qui font et défont les modes dans les cours de récréation, qui décident si une marque est " cool " ou ne l'est pas. L'enjeu est d'autant plus dur que les ados adoptent une attitude très changeante à l'égard des marques.

Pour s'adresser efficacement à l'adolescent, les marques doivent respecter certains codes. Elles doivent veiller à ne pas aller à l'encontre des valeurs des adolescents notamment celles de la famille et celles de l'amour. Les adolescents ont trois principaux centres d'intérêt : les fringues, la musique et le sport. Les marques de sport ont bien compris cela et véhiculent auprès des ados une image à la fois " cool " et hyper mode. De plus, les adolescents sont très sensibles et réceptifs aux extensions de marques, comme par exemple les chanteurs de rap qui signent des marques de vêtement (Joey Starr avec Com8 par exemple).

Certaines marques ont su se moderniser pour reconquérir leur public, notamment la marque de jeans Levi's. La marque avait perdu de son attrait et de son pouvoir de séduction face à l'émergence d'autres marques plus tendances comme par exemple la marque italienne Diesel. En effet, Diesel mise sur des publicités choquantes qui mettent en avant le "porn-chic" et sur un marketing agressif. Aujourd'hui, Levis fait face grâce à de nouveaux produits (par exemple, le jean " twisted " à couture tournante) et à des publicités innovantes.

Les adolescents préfèrent des marques prônant des valeurs comme l'éthique et l'authenticité. Ce sont des valeurs qui peuvent être associées à celles du sport mais surtout aux sports de glisse. Cependant, elles doivent veiller à ce qu'il y ait une adéquation entre le produit et la promesse et que le discours soit cohérent face aux actes de la marque.

Elles doivent prendre en compte leur désir de différenciation et de nouveauté en leur permettant de customizer leurs produits. Ainsi, Nike a permis aux internautes de personnaliser leurs vêtements de sport. Les séries limitées font également fureur créant ainsi un clivage entre les "uppers" (créateurs de tendances), les "movers" (relayeurs de tendances) et les "followers" (marché de masse).

De plus, les jeunes se définissent et se reconnaissent en fonction de signes qui représentent des tribus de référence. Par exemple, Rip Curl estime que 70% de sa clientèle achète ses vêtements car ils se reconnaissent dans la « Surf Attitude » sans pour autant pratiquer ce genre de sports. Les « Clubbers » quant à eux adhèrent à tout ce qui est branché. Les marques de référence sont principalement Diesel et Energie. Les « Hip-hop rappers » sont des marques rebelles nées dans les banlieues telles que Come8 , ou emblématiques comme les marques de luxe Louis Vuitton, BMW ou Versace…

Les adolescents sont très critiques à l'égard des marques, de leurs messages et de la façon dont ils sont véhiculés. Ils ne sont pas dupes et comprennent les mécanismes du marketing. Les adolescents représentent ainsi un public très exigeant aussi bien sur la forme que sur le fond. Et pour espérer toucher les adolescents, les marques doivent utiliser un langage plus subtil, plus transparent et plus fin pour toucher les adolescents.

Les ados sont donc devenus des professionnels de la consommation et de la communication. C'est pourquoi les marques doivent innover sans cesse dans leur manière de s'adresser à eux. Le réel enjeu des marques est non seulement de plaire à leur public mais surtout de continuer à demeurer une marque "cool". Authenticité et humour sont deux notions sur lesquelles les marques peuvent s'appuyer.

Mais en traitant les adolescents comme des consommateurs matures, les entreprises ne profitent-elles pas de leur sentiment d'insécurité et des doutes qu'ils entretiennent sur eux-mêmes pour leur faire croire que, pour être « vraiment cool », ils doivent utiliser leurs produits ou services ?