15 octobre 2008

La télévision cible les enfants

Dès la conception du film, on sait que les personnages créés devront être des jouets. L'enjeu d'un tel film est de se transformer en jouet. Les personnages sont commercialisés en tant que jouets, d'autant plus facilement qu'ils sont souvent, dès le départ, des jouets. Les films sont en effet souvent dérivés du monde du jouet, tant par leurs personnages qu’ au niveau de la narration. Le succès du jouet installe l'univers dans le monde des enfants et permet ensuite de vendre des produits dérivés.

Mais il faut toujours chercher à conquérir également le public adulte. La narration est donc enrichie de dimensions symboliques fortes qui dépassent l’univers du jeu, voire même de l’enfant.

Barbie n’est pas le premier jouet qui a fait l’objet d’une publicité télévisée, mais le premier qui a été lancé en s’appuyant sur la publicité télévisée pour séduire les enfants. Le développement des émissions télévisées destinées aux enfants ont convaincu les fabricants américains que le marketing moderne que la télévision était adaptée à leur produit.

Barbie est le premier jouet à faire l'objet d'une étude de marché d'une si grande ampleur. L'image de la femme qui est donnée par Barbie était le contraire du modèle « middle class » de cette époque. Cpendant, Barbie exprimait le désir secret des mères, celui de rester une femme. Considérant que les parents n’allaient pas favoriser l’achat, les fabricants ont développé une stratégie publicitaire qui visait directement les enfants. Mattel a donc essayé de vendre sa poupée aux enfants en passant outre les résistances des parents et ça a marché ! La publicité a donné une personnalité à la poupée. Elle est plus un personnage qu’une poupée. C'est la même recette qui a permis à Hasbro de créer GI Joe, la célèbre« action figure ». La dimension narrative a été plus forte avec des BD.

La télévision est ainsi le moyen pour les fabricants de s’adresser directement aux enfants sans passer par les parents. Le discours est centré sur le divertissement, le plaisir immédiat et non sur la médiation éducative visant le futur de l’enfant. La réduction du cadre réglementaire a permis aux fabricants de jouets de produire une série télévisée qui fait de leur jouet le personnage central de celle-ci. Ainsi, en amont, jouets et séries télévisées sont conçus ensemble. La narration autour du jouet est renforcée, tout comme le lien symbolique qui relie le jouet à l’enfant.

Avec Power Rangers, les japonais ont repris le principe du couplage jouet/série télévisée et l’ont poussé à l’extrême. Le consensus parents/enfants n’était pas de mise. La logique était implacable : on regarde Power Rangers, puis on joue spontanément à Power Rangers avec les figurines achetées, d’autant plus spontanément qu’à l’origine, il y a un schéma de jeu d’enfant : les bons contre les méchants. Le succès de Pokémon est également lié à la dimension profondément ludique de la narration. A l’origine, il s’agit d’un jeu vidéo dont la trame (attraper des monstres puis les élever pour en faire des espèces de gladiateurs qui se transforment à mesure qu’ils progressent) se retrouve dans la série télévisée et est bien initiallement de l’ordre d’un jeu (faire combattre des animaux).

Cette culture enfantine repose sur quelques fondamentaux que l’on retrouve dans les jeux ou les émissions (Star Academy, télé réalité…) qui plaisent aux enfants : une logique de divertissement, de loisir, une autonomisation de l’enfant, une relation entre une culture produite par les enfants et une culture produite pour les enfants, une importance donnée à l’activité ludique.

Les parents ont accepté l’idée qu’une partie de la vie de l’enfant était divertissement, et pas seulement éducation, et ils ont accepté de les livrer à une logique de consommation. Ils ont accepté que les enfants vivent dans le même monde qu’eux, une société où la consommation est un loisir. Il s’agit d’une redéfinition de l’enfance et de ce qui est accepté par les parents.

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